J’ai eu l’opportunité de visiter la manufacture Bohin qui se situe à Saint-Sulpice-sur-Risle dans le département de l’Orne en Normandie, à environ 150 kilomètres de Paris. Cette manufacture qui s’étend sur 2500 mètres carré et qui compte deux niveaux produit des aiguilles à coudre, des épingles de sûreté et des épingles à tête de verre de Murano.
Dire que cette histoire remonte à 1833 ! Cette date marque en réalité le retour de Benjamin Bohin dans sa famille, au moment où il prend la tête de l’usine familiale pour la transformer en atelier de production en série. En 1860, il passe d’un atelier de fabrication d’objets en bois comme des boîtes ou des jouets à une activité basée sur l’aiguille. L’usine de Saint-Sulpice-sur-Risle a été achetée en 1866. En 1868, il se consacre entièrement à cette fabrication. Le fruit de ce travail est récompensé en 1889 lorsque l’entreprise reçoit une médaille d’or pour la qualité de ses produits. Rien ne semble pouvoir venir troubler le succès de cette entreprise. En effet, son fils Paul reprend la direction en 1873 et dépose de nombreux brevets. Même les deux guerres (14-18 et 39-45) ne semblent pas l’atteindre puisque sonne l’heure de la diversification. C’est ainsi qu’apparaissent, en plus des aiguilles, des articles métalliques de papeterie, des petites pièces pour l’industrie textile ou le monde médical. Malheureusement, ces cinq générations n’ont pas su gérer la crise qui atteint l’entreprise au point qu’elle se retrouve en liquidation judiciaire en 1996. C’est un salarié de l’entreprise du nom de Didier Vrac qui en devient le directeur commercial en 1997. Il faut dire que la broderie et la couture reviennent en force à la fin des années 90 et tous ces passionnés hommes et femmes ont besoin d’aiguilles de qualité. Fin décembre 2017, une ancienne directrice du musée de l’aiguille et son mari rachètent Bohin France.
Dans le cadre du recensement du patrimoine industriel en Normandie commencé en 1982, plusieurs parties de cette manufacture sont protégées au titre des monuments historiques en 1995.
Le visiteur est entraîné dès la première salle dans la fabrication de cette aiguille qui compte 27 étapes et 2 mois de travail ! Ces différentes étapes sont ainsi résumées sur un mur avant d’entrer dans le vif du sujet.
Voici une allée de machines sur lesquelles travaillent les employés. Les aiguilles sont ensuite jetées en vrac sur ce tableau qui bouge et qui trie, formant ainsi des petits tas. Ce n’est qu’une des étapes parmi tant d’autres puisqu’il y a aussi le dressage, le coupage en tronçons, l’empointage, l’estampage, le perçage du chas (trou de l’aiguille où on passe le fil), l’ébavurage, la trempe, le sciurage, le vannage, le rangement, le polissage, le nickelage, la mise en cases, le tallage, l’appérissage, les contrôles qualité, le piquage…
… et bien entendu la mise en pochette. Ce tableau compte un nombre important de pochettes, donc un nombre incalculable d’heures passées à la fabrication. Ces produits ainsi que des boîtes, des mètres de couture et tout ce qui a un lien avec l’art créatif sont disponibles à la vente dans la boutique de la manufacture ou chez les revendeurs comme Bouchara ou Mondial Tissus.
La visite de la manufacture ne s’arrête pas après les étapes de fabrication, des objets d’archives sont regroupés dans une autre salle comme des anciennes pochettes, des factures…
Derrière une vitrine est exposée une véritable oeuvre-d’art. Cette robe réalisée en épingles a fait l’objet de toutes les attentions au salon Créativa à Rouen et à Deauville.
Cette visite se décline à la façon d’une boucle qui emmène cette fois-ci dans une autre salle où est racontée l’histoire de la famille Bohin (voir plus haut). Cette reconstitution sous la forme d’une sculpture résume parfaitement ces générations. Cette partie met l’accent également sur tous les métiers en lien avec l’aiguille comme les brodeurs, les couturiers, les taxidermistes (à qui on ne pense pas forcément), les relieurs…
Le site de Saint-Sulpice-sur-Risle était en mauvaise posture mais la manufacture a tout de même été conservée. Par contre, celui d’Issy-les-Moulineaux n’a pas connu le même sort.
Ces trois photos montrent que Bohin a su diversifier son activité (voir plus haut). Les aiguilles perdurent mais les lames de rasoir ne sont plus commercialisées depuis longtemps.
Ces vitrines regroupent d’autres objets d’archives comme cette boîte de dés.
Sur cette cloche sont gravées deux dates importantes : 1833 marque le début de l’entreprise et 2004 marque la date de l’inauguration de la manufacture.
La manufacture met en avant une autre marque de qualité : DMC. Il suffit de broder avec ces deux marques pour réaliser des ouvrages dignes d’être exposés.
Dans une vitrine est exposée une énorme paire de ciseaux. Toutes les couturière et brodeuses en ont forcément une dans leur boîte à couture. Je crois que cette paire peut s’inscrire dans le livre des records.
Une dernière vitrine compte un nombre incalculable d’aiguilles. D’ailleurs, personne n’a osé les compter jusque-là. Mais attention, il suffit de ne plus savoir où on en est dans son comptage et il faut tout recommencer !
Cette visite dans l’histoire de la manufacture Bohin a été un réel plaisir. Maintenant, je ne vois plus les aiguilles de la même façon, tant il faut d’heures de travail pour un tel résultat. Je n’oublie pas non plus de préciser que la manufacture organise régulièrement des expositions. Lors de ma visite, le célèbre peintre Vincent Van Gogh était à l’honneur au travers de 120 patchworks inspirés de ses oeuvres, pas toujours connues du grand public (d’ailleurs, la couleur dominante était le bleu, comme celui des océans).
Beau résumé de cette visite intéressante pour tous publics ! On ne s'attendrait pas à ce qu'une aiguille qui paraît si banale nécessite tant d'étapes et de temps à fabriquer ! On l'apprend de fil en aiguille et on se laisse aiguiller dans ce musée pas comme les autres.
RépondreSupprimerIl manque la botte de foin pour y retrouver son aiguille !